1 Contexte de la lutte contre le changement climatique

Dans sa lutte contre le changement climatique, la France bénéficie d’un atout considérable avec une production électrique déjà très décarbonée. Si des scénarios sont envisagés pour diversifier le mix électrique, ils ne constituent pas en eux-mêmes un enjeu de réduction des émissions de Gaz à effet de serre (GES).

Pour être efficace vis-à-vis de la question climatique, les investissements français en matière de transition énergétique doivent se concentrer sur les principaux postes de consommation d’énergies fossiles : le chauffage et le transport, en premier lieu, l’industrie, en second lieu.

Concernant le transport, les énergies fossiles peuvent être remplacées par des bio-carburants ou par de l’énergie électrique.

Les bio-carburants sont des carburants produits à partir de matériaux organiques non fossiles. S’ils permettent d’améliorer le bilan carbone, ils posent d’autres problèmes sur le plan environnemental. En effet, ils nécessitent d’utiliser une partie des surfaces pour des cultures agricoles intensives dont le seul but est de produire un carburant. Ces surfaces augmentent l’emprise au sol des cultures agricoles et ont un impact direct sur la biodiversité. Cette solution qui peut présenter un intérêt dans certaines situations (par exemple la motorisation des véhicules agricoles) devient problématique si elle est déployée à grande échelle.

L’électrification s’avère donc être la seule solution décarbonée viable pour une mutation globale des moyens de transport. Notons toutefois que cette mutation n’a d’intérêt que si l’électricité est elle-même décarbonée. Par exemple, voyager en train sur une ligne électrifiée en France limite effectivement fortement les émissions de GES. Mais l’impact en émission de GES d’un voyage en train similaire est bien plus élevé dans d’autre pays où l’électricité est générée pour grande partie par des centrales thermiques (charbon, fuel ou même gaz).

L’électrification des mobilités peut se faire par l’alimentation en continu à partir du réseau électrique (trains, métros, tramways…) ou par une électricité stockée, embarquée (vélos électriques, deux-roues à moteur électrique, véhicules particuliers, bus, cars, poids lourds, trains, navires…). L’offre de véhicules électriques (VP – VU) se développe rapidement qu’il s’agisse de propulsion hybride, ou de propulsion exclusivement électrique. Pour les véhicules de plus grande taille, les batteries classiques à accumulateurs électriques rencontrent des limites d’utilisation : la taille et le poids des batteries, l’autonomie, le temps de chargement, le recyclage des batteries, sont autant de points faibles qui compliquent leur usage.

Dans ces conditions, l’hydrogène apparaît comme un vecteur énergétique aux atouts certains pour décarboner la mobilité des véhicules lourds.

 

2 L’hydrogène : une solution mature sur le plan technique mais dont les équilibres économiques sont à assurer

Techniquement, la production et l’utilisation de l’hydrogène comme carburant pour des solutions de mobilités ne présente pas de difficultés majeures.

2.1 Principe de la Pile à combustible (PAC) hydrogène appliquée au transport

La PAC permet de produire de l’électricité entre deux électrodes en associant de l’hydrogène (H2) et de l’oxygène (O2). L’électricité générée alimente un moteur électrique qui est utilisée pour la propulsion du véhicule.

Un véhicule motorisé à l’hydrogène doit embarquer une PAC et de l’hydrogène en forme suffisamment compressée pour limiter le volume occupé.

L’un des principaux atouts de l’hydrogène réside dans le faible temps de chargement en comparaison des batteries électriques. Il suffit, en effet, de charger le gaz dans le véhicule.

2.2 Origine de l’hydrogène

L’hydrogène, bien qu’il soit l’élément le plus abondant de l’univers, n’est pas disponible à l’état naturel.

C’est un élément qui est utilisé depuis longtemps dans l’industrie qui est obtenu principalement par vaporeformage du gaz naturel. Cette réaction chimique a pour principal défaut de générer du CO2 en même temps que de l’hydrogène (H2), ce qui est évidemment en contradiction avec l’objectif de réduction des GES. Des projets de captation du carbone rejeté sont à l’étude (CCS pour Carbon Capture and Storage) mais n’ont pas encore atteint l’échelle industrielle.

L’alternative vertueuse d’un point de vue climatique est de générer de l’hydrogène (H2) par électrolyse de l’eau, à l’aide d’électricité décarbonée. L’opération est l’inverse de la catalyse puisqu’elle consiste à casser la molécule de l’eau (H2O) en dissociant les atomes d’hydrogène et d’oxygène grâce à un courant électrique. Plusieurs procédés d’électrolyse existent. Certains sont déjà utilisés à l’échelle industrielle d’autres font encore l’objet de recherche.

2.3 Ressources nécessaires

La principale ressource nécessaire dans l’utilisation de l’hydrogène appliquée à la mobilité est le platine qui entre dans la fabrication des PAC. Les réserves mondiales de ce métal correspondent à environ 50 années au rythme actuel de consommation. Si la fabrication des PAC pour le transport se développe, les besoins en platine vont augmenter (même si une partie de l’augmentation sera compensée par la disparition progressive des pots catalytiques des véhicules à moteurs thermiques, eux-mêmes consommateurs de platine). Pour autant, les réserves connues ne devraient pas être épuisées avant plusieurs décennies. C’est plutôt leur concentration dans un tout petit nombre de pays, principalement l’Afrique du Sud et la Russie, qui pourrait devenir un enjeu géostratégique fort et menacer l’approvisionnement industriel.

Le recyclage des piles à combustible est envisageable et commence d’ailleurs à se développer, ce qui contribue à réduire le risque de disponibilité du platine.

2.4 Une solution quasiment idéale sur le plan environnemental

Au total, si l’électricité utilisée pour l’électrolyse est elle-même faiblement émettrice en carbone, on obtient une solution de transport extrêmement propre : un bilan carbone sur tout le cycle de vie extrêmement faible, pas de contraintes de disponibilité de la ressource, pas de problème d’utilisation des surfaces cultivables (par opposition aux bio-carburants), pas d’émission de polluants (au contraire une production induite d’oxygène dont les usages sont connus), pas de perte d’efficacité lié au stockage, peu de problèmes de recyclage (par rapport aux batteries classiques).

2.5 Les limites de l’hydrogène orientent son utilisation

Si l’hydrogène peut apparaître comme un vecteur énergétique idéal sur le plan environnemental, il comporte un certain nombre de limites qui explique qu’il a été, jusqu’à présent, très peu utilisé dans le domaine du transport.

2.5.1 Un faible rendement énergétique en comparaison des batteries électriques

Le rendement énergétique pour les véhicules hydrogène est moins bon que celui des batteries classiques car les étapes intermédiaires de synthèse et d’utilisation de l’hydrogène (électrolyse de l’eau, compression de l’hydrogène pour son stockage, fonctionnement de la PAC…) consomment elles-mêmes de l’électricité. Pour les véhicules hydrogène, le rendement global du « réseau à la roue » est d’environ 27%, tandis que pour les véhicules électriques à batteries, le rendement global est d’environ 81%.

Pour des véhicules légers ne nécessitant pas un temps de recharge rapide, les batteries électriques restent une solution mieux adaptée.

2.5.2 Difficulté de transport

L’hydrogène est l’élément de l’Univers à la plus faible densité. C’est un gaz très difficilement liquéfiable. Ses caractéristiques rendent son transport inéluctablement onéreux. Il peut être transporté via des infrastructures dédiés (gazoducs) ou via des citernes (véhicules routiers, fret ferroviaire, fluvial ou maritime). Dans le cas de l’utilisation de citernes, il faut consommer de l’énergie pour compresser l’hydrogène et pour motoriser le moyen de transport (extrêmement pesant en regard de sa cargaison).

Cette difficulté de transport incite à envisager dans un premier temps, le développement d’un usage territorialisé de l’hydrogène. Mais à l’inverse, la production d’hydrogène ne peut être éparpillée en une multitude de sites, car l’unité de production (électrolyseur, compresseur…) représente un investissement plancher incompressible dont le coût relatif décroît avec la taille et le volume d’hydrogène produit.

L’idéal est donc de rassembler régionalement les utilisateurs de l’hydrogène autour de projets communs d’une taille critique suffisante pour atteindre un optimum entre coût de production et coût de transport.

2.6 Prix de revient de la propulsion par hydrogène produite via électrolyse

Le coût global de la mobilité hydrogène dépend de nombreux paramètres :

le prix de l’électricité (nécessaire pour l’électrolyse) ;
le prix de l’électrolyseur ;
le prix du compresseur d’hydrogène et du stockage ;
les coûts d’aménagement des infrastructures de distribution, maintenance ;
le cas échéant, le coût du transport (ou des infrastructures de transport dans le cas d’un gazoduc) ;
le prix du véhicule à hydrogène (avec PAC embarquée) ;
les coûts opérationnels et de maintenance.
Le coût global était et reste aujourd’hui très supérieur au coût de la propulsion à base d’énergies fossiles. Les solutions utilisant les PAC sont également plus onéreuses que les solutions utilisant les batteries classiques.

Néanmoins, il existe de grandes marges de réduction des coûts liées aux économies d’échelles aussi bien dans la fabrication des composants industriels (électrolyseurs, compresseurs, infrastructures de distribution…) que dans la construction des véhicules.

2.7 Bilan

En synthèse, de manière schématique, l’hydrogène offre à la fois :

un « carburant » propre pour la mobilité qui autorise une forte autonomie des véhicules sans aucune émission de CO2 avec un temps de recharge court ;
une des seules solutions de stockage de l’énergie électrique, sans contrainte temporelle, qui peut être restituée ensuite à un moteur électrique via une PAC (avec toutefois une perte de rendement très significative).
Le coût de la mobilité hydrogène reste élevé et incite à réserver cette solution pour certains usages spécifiques.

 

3 Les politiques publiques favorisent l’essor de la mobilité hydrogène

Le cadre juridique applicable aux émissions de GES est de plus en plus contraignant : la loi pour la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) votée en 2015 a fixé des objectifs de réduction des émissions de GES de 40 % en 2030 par rapport à 1990, et de réduction de la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012. En matière de transport, elle a fixé des objectifs de renouvellement des autobus et autocars vers des modes de mobilité propre pour les flottes comptant au moins 20 véhicules :

50% des renouvellements à partir de 2020 ;
100% des renouvellements à partir de 2025.
Ces objectifs sont applicables aux agglomérations de plus de 250.000 habitants et aux communes soumises à un plan de protection de l’atmosphère (PPA).

Ces objectifs sont le plus souvent complétés par des objectifs établis à l’échelle régionale, eux-mêmes plus contraignants.

Face à ces contraintes, les dispositifs de soutien public, pour compenser les surcoûts de l’hydrogène et favoriser l’émergence de la filière, se multiplient :

Depuis une dizaine d’années, l’Europe a mis en place des programmes d’aides pour soutenir l’expérimentation et le développement de solutions hydrogène, notamment en matière de transport.
En juillet 2020, l’Europe a présenté un plan stratégique de développement de masse de l’hydrogène décarboné à l’horizon 2030. Le but est de développer simultanément les usages (la demande) et les capacités de production (l’offre) afin de faire chuter les coûts de toute la chaîne industrielle par la massification.
La France a elle-même lancé un plan hydrogène extrêmement ambitieux en promettant 7 Mds d’aide d’ici à 2030 (dont 2 Mds dans le cadre du plan de relance 2021-2022). Les aides françaises visent aussi bien à faire émerger une filière industrielle compétitive en matière de production d’hydrogène, de développement de solutions industrielles qu’à soutenir l’émergence d’écosystèmes territoriaux d’utilisation de l’hydrogène.
Ces dispositifs sont complétés par des feuilles de routes régionales, par lesquelles les régions offrent en appui technique et financier au développement de l’hydrogène à travers des mécanismes d’appels à projets.

Conclusion – Notre avis

L’hydrogène apparaît comme une solution mature et robuste pour décarboner une partie de la mobilité en France. Les répercussions de son utilisation sur l’environnement sont particulièrement faibles. La technologie est parfaitement maîtrisée et aucun obstacle technique n’empêche son déploiement à beaucoup plus grande échelle.

L’Europe et la France ont fixé des objectifs très ambitieux de développement de l’hydrogène à l’horizon 2030. En parallèle, le cadre réglementaire (en particulier en France avec la loi TECV) va conduire à la diminution puis à l’éradication progressive des moteurs thermiques dans la mobilité collective. La volonté politique est donc avérée et la mutation est en marche.

Notons que c’est une solution qui réduit la dépendance de la France vis-à-vis des énergies fossiles et augmente donc la résilience de notre société.

Compte tenu des coûts unitaires élevés des systèmes de production, de stockage et de distribution d’hydrogène, du rythme de basculement des usages vers une mobilité H2, l’ensemble des paramètres permettant d’envisager une implantation locale d’une solution hydrogène doivent faire l’objet d’une étude approfondie. Il s’agit en effet de valider des solutions dont la viabilité financière et l’appropriation par les usagers seront suffisantes.


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