ARTICLE

25 mars 2024

Auteur : Adèle Douillard

Les enjeux de décarbonation du secteur agroalimentaire en France

 

 

Introduction

 

D'après une étude1 réalisée par le Citepa et l’ABC sur la répartition de l’empreinte carbone des Français, notre alimentation représente 23% de notre empreinte carbone derrière les transports (25%).

L'atteinte de l'objectif des accords de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C d'ici la fin du siècle nécessite le passage des émissions annuelles d'un français de 9 tonnes à 2 tonnes de CO2.


Ainsi, il apparait indispensable d'agir sur la diminution de l’impact carbone de notre alimentation. Cette diminution des émissions de gaz à effet de serre ne peut se faire sans celle des émissions du secteur de l’agroalimentaire.

 

Les 16 000 entreprises de l’industrie agroalimentaire en France, dont la majorité sont des PME, doivent répondre à de nombreux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux dont celui de la décarbonation. Le secteur de l’agroalimentaire, premier employeur de l’industrie manufacturière en France avec plus de 430 000 ETP2, a une grande part à jouer dans la diminution de  notre impact carbone.

 

 

D’où proviennent les émissions de gaz à effet de serre du secteur ?

 

La décomposition de l'empreinte carbone de notre alimentation révèle que la production agricole est responsable de 67% des émissions, le transport de marchandises 19% et les industries agro-alimentaires 6%. Le reste des émissions est causé par différentes sources telles que le transport des ménages, la grande distribution et les commerces et enfin par la consommation au domicile des ménages3.

 

À première vue, ce ne sont pas les activités des industries agro-alimentaires qui sont les plus émettrices en GES. Cependant, elles ont la capacité de favoriser certaines pratiques agricoles plus responsables et d'avoir recours à des moyens de transport plus propres.
C'est toute la filière, de la fourche à la fourchette qui doit être prise en compte afin d'envisager une décarbonation du secteur agroalimentaire.

 

La production agricole

La production agricole, l'amont de la chaîne de valeur, est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Ces derniers proviennent des émissions de méthane des ruminants, des effluents d'élevage, de l'utilisation d'engrais chimiques et des machines agricoles. De plus la qualité dégradée des sols par certaines pratiques agricoles, telles que l'agriculuture intensive, limite leur capacité de stockage du carbone.

 

Le transport

Le transport des marchandises, deuxième post d'émission de notre alimentation, consomme des énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre.

 

 

La transformation

Les activités agroalimentaires de transformation nécessitent une quantité considérable d'énergie, cette consommation d'énergie contribue également aux émissions de GES, en particulier si elle provient de sources non renouvelables telles que les combustibles fossiles. 

 

Les déchets

L'industrie agroalimentaire produit des déchets à la fois organiques et non organiques, susceptibles de contribuer aux émissions de gaz à effet de serre.

 

L'aval de la chaîne

Enfin, en aval de la chaîne, les habitudes alimentaires des consommateurs influent sur toute la chaîne de production et détermine en partie les décisions des industriels et agriculteurs.

 

 

Pourquoi décarboner nos activités ?

 

Il est primordial de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour plusieurs raisons.

 

Limiter le réchauffement climatique

 

Les émissions de GES sont la principale cause du changement climatique, qui entraîne des conséquences dévastatrices telles que l'élévation du niveau de la mer, les phénomènes météorologiques extrêmes et la déstabilisation des écosystèmes. Certaines d’entre elles, telles que la diminution des ressources en eau et la dégradation des sols ont des conséquences directes sur la productivité agricole mondiale.  En décarbonant, c'est-à-dire en réduisant les émissions de carbone et d'autres GES, nous pouvons atténuer ces effets néfastes, limiter le réchauffement climatique et assurer la pérennité de la production alimentaire.

 

Préserver l'environnement

 

La décarbonation contribue à préserver les écosystèmes en réduisant la pollution atmosphérique, en préservant la biodiversité et en minimisant les impacts environnementaux de l'extraction et de l'utilisation de combustibles fossiles.

 

Améliorer la santé publique

 

Les émissions de polluants atmosphériques associées à la combustion de combustibles fossiles ont des effets néfastes sur la santé humaine, entraînant des problèmes respiratoires, cardiovasculaires et d'autres maladies. En décarbonant, nous pouvons réduire ces impacts néfastes et améliorer la qualité de l'air, ce qui profite à la santé publique.

 

Stimuler l'innovation en faveur d’un développement durable

 

La transition vers une économie décarbonée stimule l'innovation technologique et favorise le développement de secteurs tels que les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, les transports durables, les technologies propres. Cette démarche permet le développement de pratiques cultural durables, à la fois moins polluantes et source de stockage de carbone. Elle ouvre la porte à de nouvelles opportunités économiques plus viables en préparant les entreprises à faire face aux enjeux présents et à venir.

 

En résumé, décarboner est essentiel pour garantir un avenir durable, résilient et prospère pour les générations à venir. Cela implique la préservation de l'environnement, l'amélioration de la santé publique, la stimulation de l'innovation et la réponse aux défis du changement climatique à l'échelle mondiale.

 

 

Quel est le cadre réglementaire encadrant la décarbonation du secteur agroalimentaire  ?

 

 

Une stratégie nationale bas carbone pour atteindre nos objectifs

 

La France s’est dotée d’objectifs de décarbonation à travers l’élaboration d’une stratégie nationale bas carbone4 (SNBC). Elle concerne tous les secteurs d’activité et tous les acteurs : citoyens, collectivités et entreprises. Cette stratégie a pour objectif d’atteindre la neutralité́ carbone dès 2050 ainsi que de réduire l’empreinte carbone des Français. Cet objectif, inscrit dans la loi, est en cohérence avec les engagements pris par la France à l’occasion de l’Accord de Paris.

 

La neutralité carbone est un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire et la capacité d’absorption de carbone par les puits de carbone tels que les forêts, les sols agricoles… Elle implique donc une diminution des émissions ainsi qu’une augmentation des capacités de stockage des puits de carbone.

 

Le secteur agroalimentaire au cœur de la SNBC

 

L’industrie agroalimentaire est concernée par différents secteurs évoqués dans la SBNC. En premier lieu, celui de l’industrie, mais aussi celui du bâtiment, des transports et de l’agriculture, qui ont un impact important sur la décarbonation des activités agroalimentaires.

 

La comptabilité carbone au service de la décarbonation

 

En France, depuis le 1er janvier 2023, au regard de l’article L 229-25 du code de l’environnement, toutes les personnes morales de droit privé, employant plus de 500 personnes sont tenues de réaliser un bilan GES.

Le bilan de gaz à effet de serre a pour objectif de comptabiliser les émissions directes et indirectes d’une entreprise puis d’établir un plan de transition afin de mettre en place des actions de réduction de ces émissions. L’article Le bilan GES ou Bilan Carbone®, un outil au service de la stratégie des entreprisespropose une présentation détaillée de cette méthode.

 

 

Comment agir pour décarboner l’industrie agro-alimentaire ?

 

Décarboner à tous les niveaux

 

La décarbonation passe par la prise en compte des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Plusieurs leviers peuvent être actionnés en amont de la chaine :

 

  • le développement de l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agriculture de précision, notamment pour réduire l’utilisation d’engrais azotés minéraux, améliorer la qualité des sols et leur capacité de stockage du carbone
  • la gestion des effluents d’élevage afin de diminuer les émissions de N2O dans l’atmosphère
  • la diminution du CH4 émis par les ruminants en recentrant la production agricole sur des produits alimentaires faiblement carbonés
  • le développement de la bioéconomie pour fournir de l’énergie et des matériaux moins émetteurs de GES à l’économie française

 

Au sein même de leur activité, les industries agro-alimentaires peuvent mettre en place des actions concrètes à différents niveaux :

 

Achats :

  • Favoriser l’achat de produits locaux, issus de pratiques agroécologiques

 

Transports :

  • Optimiser les transports et favoriser des modes de transport de marchandises les moins émetteurs

 

Bâtiments :

  • Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments
  • Avoir recourt à des matériaux de construction/rénovation à plus faible empreinte carbone et à haute performance énergétique et environnementale sur l’ensemble de leur cycle de vie

 

Processus :

  • Optimiser les consommations d’énergie : efficience des appareils, classification énergétique des bâtiments
  • Consommer une énergie décarbonée: énergie solaire, éolienne, nucléaire…
  • Prévenir la génération de déchets
  • Améliorer la collecte et la gestion des déchets
  • Encourager des changements comportementaux pour des usages plus sobres

 

Sensibilisation :

  • Communication et sensibilisation auprès des consommateurs afin de faire évoluer la demande alimentaire (produits de meilleure qualité ou issus de l’agriculture biologique, prise en compte des préconisations nutritionnelles) et réduire le gaspillage alimentaire.

 

À l’inverse, certains consommateurs déjà sensibilisés à ces enjeux, souhaitant favoriser des produits plus respectueux de l’environnement et de leur santé, influencent les décisions des industries agroalimentaires qui tentent de répondre au mieux à leurs demandes.

 

 

Être accompagné par l’État

 

Une décarbonation du secteur ne peut se faire sans un accompagnement au niveau de l’État. Dans ce sens, la SNBC souligne l’importance de :

  • Accompagner les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone (développement de feuilles de route de décarbonation, outils de financement)
  • Soutenir l’émergence, en France, de moyens de production de technologies clés dans la transition
  • Intensifier la recherche et le développement de procédés de fabrication bas-carbone
  • Améliorer fortement l’efficacité́ énergétique et recourir à des énergies décarbonées
  • Maîtriser la demande en matière, en développant l’économie circulaire

 

 

Prendre en compte les autres enjeux

 

La diminution des gaz à effet de serre est primordiale pour les activités du secteur agroalimentaire, mais d’autres paramètres doivent être considérés. En effet des enjeux financiers, d’innovation, réglementaires et humains doivent être pris en considération pour un fonctionnement optimal :

 

L'un des principaux enjeux pour toute entreprise est de maintenir sa rentabilité et de gérer sa croissance de manière durable. Cela inclut l'innovation de produits ou l’adaptation de services, et l'amélioration de l'efficacité opérationnelle.

 

Avec l'évolution rapide des technologies et des préférences des consommateurs, les entreprises doivent savoir innover et s'adapter aux nouvelles tendances pour rester compétitives. Cela peut impliquer de développer de nouveaux produits ou services, d'améliorer les processus existants ou d'adopter de nouvelles technologies. Ces innovations et adaptations ne doivent pas s’inscrire dans une course au développement et à la croissance exponentielle mais dans une démarche globale d’optimisation de la production et de réduction des impacts environnementaux de l’entreprise.

 

Le paysage réglementaire est complexe et en constante évolution. Les entreprises doivent assurer la conformité avec les lois et réglementations locales, nationales et internationales, qui peuvent concerner la fiscalité, la protection des données, la sécurité des produits et les pratiques commerciales éthiques.

 

Enfin, les entreprises sont confrontées au défi de créer un environnement de travail attrayant, inclusif et motivant, tout en proposant des opportunités de développement professionnel à leurs employés. Il est donc important d’offrir à ses collaborateurs un cadre de travail épanouissant.

 

 

Recourir à de nouveaux moyens pour fixer et atteindre des objectifs

 

La conjugaison de tous ces critères demande une réflexion importante, c’est pourquoi il est intéressant de faire appel à un organisme extérieur spécialisé dans le conseil afin d’être accompagné au mieux pour atteindre vos objectifs. De nombreux avantages sont à prendre en considération :

 

  • Experts spécialisés: intervention de consultants hautement qualifiés dans les domaines de l’agroalimentaire, de l’industrie et des thématiques environnementales associées
  • Perspective externe: perspective externe et impartiale sur les défis auxquels vous êtes confrontés
  • Gain de temps et d’efficacité: intervention rapide pour fournir des solutions à des problèmes urgents ou des projets à court terme
  • Accès à des ressources supplémentaires : ressources supplémentaires telles que des outils analytiques, des bases de données spécialisées
  • Formation et développement des compétences : opportunité pour vos employés de développer de nouvelles compétences et de bénéficier conseils spécialisés

 

 
Notes et références

Glossaire 

ABC : association bilan carbone

GES : gaz à effet de serre

IAA : industrie agroalimentaire

SNBC : Stratégie nationale bas carbone

Liens externes 

1 Répartition de l’empreinte carbone des Français, 2023, Citepa et ABC

2 Panorama des industries agroalimentaires édition 2022 - Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

3 Analyse de l’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France, 2019 - ADEME

4 Stratégie nationale bas carbone https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/19092_strategie-carbone-FR_oct-20.pdf